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POST-SCRIPTUM: MODÈLE DE COMPRÉHENSION DE L’ADDICTION AU JEU À TRAVERS L’HISTOIREJean-Marie Coste, coordinateur traitement jeu excessif à la Fondation Neuchâtel Addictions Le développement faramineux observé ces dernières décennies dans l’offre de jeux de hasard et d’argent (JHA)
semble aller de pair avec l’intérêt croissant pour cette «nouvelle forme d’addiction». La problématique des JHA, ou
gambling, n’est pourtant pas nouvelle, elle existe depuis plusieurs millénaires, et a été observée dès l’Antiquité
dans la plupart des civilisations. La pratique et la compréhension de ce phénomène ont cependant évolué au fil
des siècles, ce qui a aussi permis de proposer des modèles thérapeutiques variés.

Personne ne sait exactement quand a été inventé le gam- Au Moyen Âge, l’Eglise fustige le jeu qu’elle considère bling, c’est un peu comme la musique, cela existe depuis la comme un péché. À l’époque de Charlemagne, où le jeu nuit des temps. On attribue toutefois les origines du gam- de dés passionnait les fidèles et pouvait déjà ruiner des bling à l’utilisation des osselets. Les osselets étaient avant familles, l’Eglise catholique se prononcera en interdisant tout utilisés dans les arts divinatoires, ils permettaient de les jeux de hasard lors du concile de Mayence en 813. Au sonder la volonté divine. L’inconvénient avec les osselets, XVe siècle, Savonarola et Saint Bernardin de Sienne dénon- c’est que le lancer n’est pas tout à fait équitable vu l’asymé- cèrent le jeu en tant que pratique hérétique. On brûlait les trie des faces. Les dés vont alors leur succéder et apparaître cartes à jouer et les dés, au même titre que certains livres entre deux et trois mille ans avant J.-C. ou autres «objets de vanité» (miroirs, robes…). Derrière la pratique des JHA se cache l’invocation de Dieu à qui l’on Les deux spécificités des JHA, à savoir aléa et argent (ou demanderait de nous venir en aide en influençant le tirage. espérance de gains), sont évoquées dans l’Antiquité. Aris- L’Eglise condamne ainsi les jeux de hasard sur l’interpré- tote disait déjà, à propos de l’argent, que le désir est sans tation du troisième commandement «tu ne prononceras limite! Derrière le fantasme de la prospérité se tapit l’an- pas le nom de l’Eternel ton Dieu en vain». On peut aussi goisse de la ruine et du désœuvrement. Dans la pratique considérer que le jeu représentait un objet d’idolâtrie qui des JHA, l’homme se confronte en permanence à la dialec- détournait de la foi chrétienne («tu n’auras pas d’autres tique de la prospérité et de la ruine.
La confrontation à l’aléa fait référence à une relation ani- La condamnation des JHA par l’Eglise et leur interdiction miste que nous entretenons avec notre destin par le biais par l’Etat monarchique ne paraissent pourtant pas avoir de notre «pensée magique». Cette confrontation au destin freiné leur expansion, au point qu’en 1776, ce même Etat associée au risque de tout y laisser (son argent et peut-être devient opérateur de jeux (création de la Loterie Royale de ainsi sa vie) renvoie pour certains au concept d’ordalie, France) afin de renflouer les caisses. Cette démocratisa- concept qui a également été proposé pour la compréhen- tion du jeu permettra de toucher à plus grande échelle les sion de l’addiction aux substances. La conduite ordalique est définie comme le fait pour un sujet de s’engager de manière plus ou moins répétitive dans des épreuves com- L’accroissement de l’offre de jeux engendre inévitablement portant un risque mortel. Cette «interrogation» du jugement des problèmes sociaux qui éveillent régulièrement l’in- divin se retrouvera au Moyen Âge dans les provocations quiétude des politiques, philosophes ou religieux. Du coup, en duel afin de régler un litige ou aujourd’hui encore dans les périodes d’exploitation des jeux alterneront avec des des pratiques tribales où le sorcier ordonne l’ingestion d’un périodes d’interdiction, et ceci jusqu’à aujourd’hui. L’Etat, poison aux suspects afin d’élucider un problème (le cou- mais aussi l’Eglise bénéficieront tout au long de ces siècles pable succombera au poison, l’innocent pas). Lorsqu’on se de l’apport des jeux d’argent qui permettront, entre autres, l’impose à soi-même, cette épreuve non prévisible, exalte paradoxalement la sensation d’exister, et redonne pour un temps du sens à la vie. En quelque sorte, on jouerait avec la mort pour mieux rebondir dans la vie! ruiné par sa «passion» du jeu. On notera au passage, que dans le récit de Dostoïevski, le joueur obtiendra dans un premier temps un gain significatif marquant durablement sa mémoire et l’incitant à renouveler cette expérience. Ce «big win» est parfois comparé au premier flash du toxico- mane, sensation forte que l’on cherche à reproduire déses- Le hasard est un mot qui provient de l’arabe et qui a d’abord signifié jeu de dés. Ce n’est que tardivement, suite au déve-loppement des sciences modernes, où l’on associe un effet Dostoïevski était lui-même un joueur excessif. Freud, en y à une cause (compréhension rationnelle des phénomènes), faisant référence («Dostoïevski et le parricide», Freud, 1928) que sa définition sera comprise comme un événement non proposera un modèle d’interprétation bien différent des prévisible, sans cause apparente. Autrefois, il était consi- thérapies cognitives. Il met en avant l’intention incons- déré le plus souvent comme un événement derrière lequel ciente masochiste de perdre, autrement dit un besoin inconscient de punition qui serait en quelque sorte une réponse névrotique aux fantasmes de parricide de Do- Le «big win est parfois
comparé au premier flash
du toxicomane, sensation sance infantile», il est suivi
forte que l’on cherche à
reproduire désespérément.
les joueurs et ainsi une espérance de gains positive leur logique mathématique traduisait en fait une opposition permettant de s’enrichir. Les premières machines à sous à la loi parentale et à son principe de réalité. De manière apparaissent à la fin du XIXe siècle. Leur taux de redis- générale, l’approche psychanalytique cherchera à établir tribution sera bien évidemment à leur avantage, elles ne un lien entre la pathologie symptomatique (l’addiction au rendront qu’une partie de l’argent encaissé. Un joueur aura jeu), l’histoire personnelle du sujet et son fonctionnement donc face à la machine «une espérance de gains négative»; en d’autres termes, si on joue un grand nombre de fois, on aura in fine moins d’argent qu’au début. Cet argument rationnel («plus on joue, plus on perd») n’est en général pas suffisant pour le joueur pathologique qui pense détenir un L’addiction au JHA comme entité individualisée dans la moyen de vaincre la loi de probabilité des grands nombres. classification diagnostic du DSM III ne remonte qu’à 1980 sous l’appellation de «jeu pathologique». Ce trouble est Les thérapies cognitives mettent d’ailleurs l’accent sur actuellement classé dans les «troubles du contrôle des cette interprétation erronée du hasard. Pour qualifier la impulsions» au même titre que la kleptomanie ou la pyro- dynamique du joueur en situation de jeu, on parle alors manie. Ce qualificatif a été reconduit dans le DSM IV et la «d’illusion de contrôle» et d’«erreur fondamentale d’attribu- CIM 10. On peut noter cependant que la majorité des cri- tion» vis-à-vis du hasard. Ces «distorsions cognitives» vont tères proposés par le DSM pour le jeu pathologique repren- induire le joueur dans un sentiment de «toute puissance», il nent ceux utilisés pour la définition de la dépendance aux perdra ainsi la dimension du hasard et se concentrera sur la substances psychoactives, comme par exemple les efforts possibilité de contrôler ou d’influencer le jeu en sa faveur. infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter sa pratique, Ces éléments seront centraux, tant au niveau du diagnostic l’irritabilité lors des tentatives d’arrêt ou la préoccupation que de la thérapie, où il s’agira de repérer puis de modifier excessive pour le jeu. Aujourd’hui, en plus des critères dia- ces interprétations erronées de maîtrise du hasard.
gnostics communs, il existe également des arguments épi-démiologiques, cliniques, génétiques et neurobiologiques Cette notion d’aléa est d’ailleurs souvent partiellement qui démontrent des similitudes entre le jeu pathologique et perçue et comprise par le joueur, mais il lui oppose des la dépendances aux substances psychoactives, à tel point raisonnements pseudo-scientifiques à l’image de ce qu’on que le jeu pathologique est de plus en plus fréquemment peut lire dans le livre «Le Joueur» (Dostoïevski, 1866). Le décrit comme une addiction sans substance. héros du livre recherche désespérément une loi des séries parmi les tirages des numéros de la roulette afin d’obtenir Bien que l’addiction aux JHA comporte certaines spécifi- une stratégie gagnante. L’histoire raconte l’itinéraire d’un cités, comme la confrontation à l’aléa ainsi que le rapport homme qui se laisse fasciner progressivement par l’univers à l’argent et l’espérance de gains, il existe une parenté des des casinos et des jeux d’argent et qui sera progressivement propositions thérapeutiques entre les addictions aux JHA et MODÈLE DE COMPRÉHENSION DE L’ADDICTION celles liées aux substances. En 1957 déjà, le programme des «Gamblers anonymous» a vu le jour et s’était justement calqué sur le modèle d’une dépendance à une substance, à savoir celui des Alcooliques Anonymes. Plus récemment, on peut noter également que certains traitements phar-macologiques, à l’instar de la Naltrexone, ont été proposés dans le traitement de la dépendance aux opiacés et à l’al-cool, mais également au jeu depuis peu.
CONCLUSION Les modèles de compréhension de l’addiction au jeu sont variés et ont évolué au fil des âges en fonction de nouveaux paradigmes dont ils se réclament. La problématique du jeu excessif a transité par le jugement religieux puis moral, pour se diriger, grâce au développement de la science, vers des approches psychologiques (cognitive, psychanalytique…), biologiques (génétique, neurobiologique…) et sociales, sans oublier le point de vue spirituel (dimension observée en particulier chez les «gamblers anonymes»). Toujours est-il qu’on retrouve invariablement, dans la plupart des approches, cette dialectique entre intervention spécialisée et approche globale transversale aux addictions. L’ap-proche spécifique s’intéressera en particulier à la problé-matique du hasard et des gains, caractérisée chez le joueur par le «chasing» (l’envie de se refaire). L’approche globale, quant à elle, empruntera des interventions cliniques simi-laires aux autres addictions (entretien motivationnel, pré-vention de la rechute, travail sur l’histoire du sujet, sens et fonction du symptôme…). L’hétérogénéité des modèles de compréhension de la problématique de l’addiction au jeu semble plaider pour une approche intégrative des dif-férentes possibilités d’intervention thérapeutique, qu’elles soient de nature psychologique, biologique, sociale, voire spirituelle. Bibliographie :
(1) Schwartz, D., (2006). Roll the bones, Gotham Books
(2) Valleur M, Matysiak JC (2004). Les nouvelles formes
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rion, Champs
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jeu excessif. Comprendre et vaincre le gambling
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Les Éditions de l’Homme
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(5) Revue Psychotropes (2007). Jeu, addiction et société,
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(6) Simon O, Delacrausaz P, Aufrère L, (2004). Flash addic-
tion 8
, COROMA http://www.romandieaddiction.ch/pdf/
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Courriel :
Jean-Marie.Coste@ne.ch

Source: http://www.drop-in.ch/d2wfiles/document/493/5510/0/dep_41_Coste.pdf

Ag20001.pdf

Assemblée Générale : Association « Enfants-Soleil ». L’assemblée générale annuelle de l’Association « Enfants-Soleil » s’est tenue le samedi 2 décembre 2000 au siège de l’Association 24 Challe Pourpre 95610 Eragny sur Oise. La séance a été ouverte à 20 heures. Etaient présents : M. Breban Christian Etaient représentés : M. Quelven Roland Absents non représen

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DOPINGLIJST K.N.K.B. Lijst van verboden farmacologische groepen van stoffen en verboden methoden (behorende bij het Dopingreglement van de K.N.K.B.) Datum inwerkingtreding: 1september 2002 I. Verboden groepen van stoffen A. Stimulantia B. 1. androgene anabole steroïden 2. ß -agonisten II. Verboden methoden A. Bloeddoping B. Toediening van kunstmatige zu

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