Mardi, 02 Juillet 2013 09:07 Aline Chatel
C'était écrit et annoncé : le championnat de France d'aviron allait être une formalité pour le deux de couple poids léger de la Société Nautique Caen Calvados. Caen s'est bien imposé, mais pour trois dixièmes de seconde seulement. Les Bas-Normandes ont pourtant réalisé un véritable exploit à Bourges, samedi dernier. La raison ? Le tandem, composé de Camille Leclerc et de Delphine Cavoit, a été formé deux semaines avant l'épreuve.
« Je ne m'en remets pas. Si on m'avait dit ça il y a six mois, je n'y aurais jamais cru. » Delphine Cavoit est sur un petit nuage. En début de saison, la jeune femme avait décidé de ne plus se consacrer à l'aviron autant que par le passé. « Je n'avais plus de vie », justifie l'étudiante en DUT information-communication. Les huit entraînements hebdomadaires avaient été divisés de moitié et Delphine Cavoit envisageait les championnats de France sur le huit de la Société Nautique Caen Calvados, « sans espoir de médaille ». En parallèle, Agathe Pichon et Camille Leclerc préparaient sans relâche la compétition en deux de couple poids léger. Les deux jeunes femmes n'avaient pas seulement à coeur de gagner – pour tout le monde, leur succès ne faisait aucun doute – elles voulaient aussi prouver certaines choses. « Avec Agathe, on avançait beaucoup plus vite que le bateau de l'équipe de France », précise la revancharde Camille Leclerc, restée aux portes de la sélection nationale après sa quatrième place aux championnats de France individuels, en avril. « Si elles avaient couru ensemble, elles auraient survolé l'épreuve avec plus de dix secondes d'avance », assure l'entraîneur caennais Matthieu Chapron. Deux semaines avant le championnat, Caen a pourtant dû revoir ses plans. Agathe Pichon, après des mois d'entraînement intensif, ne pouvait plus courir. Les larmes d'Agathe Pichon
Le 15 juin, la jeune femme a écopé d'une suspension de cinq mois pour avoir utilisé un médicament figurant sur la liste des substances illicites. Elle avait soigné une sévère trachéite grippale trois mois plus tôt avec du prednisone, un traitement contenant des gluchocorticoïdes. « C'est interdit parce que cela peut masquer des produits dopants »,explique Agathe Pichon. Tout juste remise sur pied, elle participait à la première compétition importante de la saison, une régate interrégionale. « On est tellement loin du dopage dans l'aviron que je n'y ai pas du tout pensé. J'ai fauté par négligence et manque de maturité. » En huit ans de pratique, la rameuse subissait ce jour-là son premier contrôle antidopage, le deuxième en douze ans pour son club. Contrôlée positive, Agathe Pichon est passée devant la commission disciplinaire de dopage le 11 juin. Ni les ordonnances, ni l'attestation de son médecin sur la nécessité du traitement n'ont fait fléchir la très stricte organisation. « Je méritais une sanction parce que j'ai commis une réelle erreur mais je ne pensais pas qu'elle serait si lourde. » La principale concernée n'a pas été la seule à accuser le coup. Sa coéquipière Camille Leclerc payait les dommages collatéraux de la situation. « On s'était entraîné comme des dingues, ça a été très dur pour toutes les deux. On a passé deux semaines difficiles avant les championnats de France. On pleurait dès qu'on se voyait. Maintenant, j'arrive à relativiser. » Les Caennaises ont tout donné
Pour Camille Leclerc, l'objectif n'était plus une victoire écrasante mais un simple podium, dans la continuité d'une saison « foirée ». Mais après une première course rassurante, Delphine Cavoit et elle-même se sont « prises au jeu ». Meilleur temps des demi-finales, Caen avait toutes ses chances sur l'ultime étape. « J'avais une grande confiance en Delphine car c'est une rameuse d'expérience qui a plusieurs médailles à son palmarès, indique Matthieu Chapron.Elles ont quand même eu très chaud. » Trois dixièmes de seconde seulement ont séparé le bateau caennais de son principal challenger toulousain en finale. Les Bas-Normandes avaient pourtant pris une belle avance en début de parcours, comptant au minimum une longueur d'avance jusqu'aux 500 derniers mètres. Leurs adversaires ont progressivement réduit l'écart pour finir par « relancer comme des folles » dans les 250 derniers mètres. Surprises du retour de leurs concurrentes, les Caennaises ont livré leurs dernières forces dans la bataille. « Camille a poussé tout ce qu'elle a pu », souligne Delphine Cavoit, plus à la peine sur le plan physique. Caen a préservé son avance in extremis en s'appuyant sur ses valeurs mentales. « On a ramé l'une pour l'autre, et surtout pour Agathe. » L'intéressée, présente à Bourges, a vécu le moment avec émotion. « J'étais en larmes, des larmes de joie mais aussi des larmes de tristesse. » Geste symbolique mais touchant de la Fédération française d'aviron, une médaille a été donnée à la demoiselle. Le week-end aura été haut en couleurs pour la délégation caennaise. « Elles ont réalisé quelque chose de fabuleux, affirme Matthieu Chapron. C'est une performance exceptionnelle. » Le duo caennais n'avait que dix entraînements communs dans les jambes et les bras ! Si le titre ressemble à un cadeau tombé du ciel pour Delphine Cavoit, il est la récompense des efforts produits pour sa partenaire. « Ça réhausse ma saison, reconnaît Camille Leclerc. Si on avait fini deuxièmes, j'aurais été au fond du trou. Tout ce qui s'est passé cette année va me servir de leçon pour rebondir l'année prochaine. »
En septembre, Delphine Cavoit et Camille Leclerc prendront la direction de Paris. Camille Leclerc intègrera le très prestigieux INSEP avec une seule idée en tête : les Jeux Olympiques 2016. En attendant, elle disputera les Universiades le week-end prochain en Russie.
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